Poems
Armand Silvestre
Sonnet D’Otero
La Grâce et la Beauté, la danse et la Chanson
Comme une vivante et même apothéose
Suivent en chœur ses pas où son pied pose,
Éveillant autour d’elle un lumineux frisson.
C’est du doux rossignol qu’elle apprit la leçon
Et ses clairs diamants furent pris à la rose
Dont l’immortel éclat s’ouvrait au ciel morose,
Lorsque les dieux avaient l’aube pour échanson!
C’est le même collier qui tour à tour s’égrène
Aux perles de sa voix et sur son cou de reine
Comme un bijou sonore au vent du ciel semé.
Quand de son front riant elle écarte les voiles,
La nuit de ses cheveaux se disperse en étoiles
- Telle brille l’Aurore et dansait Salomé.
Londonien nommé Kipling
A Caroline Otero
“ Sur la scène, elle est Astarté
A la maison Bridget Macarty
Elle porte des robes étoilées
Et semble voler sur la pointe des pieds
La plus belle de toute c’est mon amour, oh, oui !
Sur scène elle est simplement Otero
Quand elle danse ce joyeux Boléro
Peu lui importent les titres
Elle voyage dans le monde entier
Seulement avec son “O”
Elle est merveilleuse dans la “cachuncha”
Son balancement rendrait jaloux un jeune saule…”
Anonyme
A Caroline Otero
“Taille fine, altière, brune, andalouse,
Prodiguant ses baisers d’amour au torero,
Regard de jais, lascive, jalouse,
Ainsi est en quatre vers Caroline Otero.”
José Marti
A Caroline Otero (?)
Mon âme tremblante et seule
Souffre à la tombée du soir
On danse par là; allons voir
La danseuse espagnole.
Ils ont bien fait d’enlever
L’immense drapeau de la façade;
Parce qu’avec ce drapeau-là,
Moi, je ne saurais entrer
Voici qu’arrive la ballerine :
Orgueilleuse et pâle, elle est là :
Galicienne, cette femme que voilà ?
Non ! Tout simplement divine !
Elle porte montera de torero
Et une cape chamarrée
C’est comme une giroflée
Qui se couvrirait d’un chapeau !
On entrevoit son sourcil
Sourcil d’Arabe, traîtresse :
Et son regard de Mauresque :
Et sa blanche petite oreille.
C’est le prélude, lumière douce,
Ceinte dans son corsage et son châle,
C’est la Vierge de l’Assomption
Qui danse sur un air andalou.
Elle bat de ses talons
Le parquet d’une caresse enjôleuse,
Comme si chaque planche faisait
Un parquet d’âmes amoureuses.
Et l’invite va croissant
Dans la flamme de ses yeux,
Et le châle frangé de feu
Va, dans l’air, se balançant.
Tout à coup, d’un bond en avant
Elle s’enfuit, se plie, se retourne :
Elle ouvre en deux sa cape lourde,
Et montre son corsage blanc.
Le corps cède, ondoyant ;
La bouche ouverte provoque ;
Et sa bouche est une rose :
Elle bat des talons, lentement.
Elle ramasse d’un geste fragile,
Le châle aux franges de feu :
Elle s’en va, fermant les yeux,
Elle s’en va, comme dans un soupir…
Elle danse très bien cette Espagnole
Dans son châle rouge et blanc :
Retourne, sombre, à ton néant
Mon âme tremblante et seule.
Rainer Maria Rilke
Spanische Tänzerin
WIE in der Hand ein Schwefelzündholz, weiss,
eh es zur Flamme kommt, nach allen Seiten
zuckende Zungen streckt - : beginnt im Kreis
naher Beschauer hastig, hell und heiss
ihr runder Tanz sich zuckend auszubreiten.
Und plötzlich ist er Flamme, ganz und gar.
Mit einem Blick entzündet sie ihr Haar
und dreht auf einmal mit gewagter Kunst
ihr ganzes Kleid in diese Feuersbrunst,
aus welcher sich, wie Schlangen die erschrecken,
die nachten Arme wach und klappernd strecken.
Und dann : als würde uhr das Feuer knapp,
nimmt sie es ganz zusamm und wirft es ab
sehr herrisch, mit hochmütiger Gebärde
und schaut : da liegt es rasend auf der Erde
und flammt noch immer und ergiebt sich nicht - .
Doch sieghaft, sicher und mit einem süssen
grüssenden Lächeln hebt sie ihr Gesicht
und stampft es aus mit kleinen festen Füssen.